Cycliste professionnel
Ste-Honorine-la-Chardonne (61)
8ème du Tour de France 2021
11ème du Tour de France 2020
12ème du Tour de France 2019
21ème du Tour de France 2018
23ème du Tour de France 2017
2ème du Tour d'Autriche 2016
Vainqueur de Liège-Bastogne-Liège Espoir 2015
Auteur de la pièce de théâtre « Platon versus Platoche »
Cycliste prometteur au parcours atypique, Guillaume MARTIN fait ré[rai]sonner sport et philosophie nietzschéenne. Presque subversif, son mémoire de fin d’étude en philosophie* offre des points de vue détonnants sur le sport moderne.
Étoile montante du cyclisme français, il nous ramène aux principes essentiels du sport : plaisir de la confrontation, désir d’affirmation et de sublimation de soi.
J’ai senti un instinct, une envie de dépassement et d’accomplissement dans le projet Graine de Sport auquel je m’associe et apporte mon soutien.
Je partage volontiers avec les membres, les partenaires et les bénéficiaires de Graine de Sport ces quelques extraits de mon mémoire de fin d’étude qui questionne le sport moderne. Ça me ramène quelques années en arrière.
Comme vous passionné de sport, je vous encourage à trouver l’harmonie dans la pratique du sport que vous aimez ou dans toute autre activité.
Extraits
« Philosophie et sport sont deux domaines généralement considérés comme étant radicalement opposés. Le sport serait l’affaire du corps, et lié au devenir, tandis que la philosophie apparaît traditionnellement comme activité spirituelle visant la saisie de l’« être », la découverte de vérités éternelles. Est-ce pour cela que la philosophie s’est peu intéressée au sport, déléguant ce soin à d’autres disciplines plus ancrées dans le temps, dans la vie quotidienne, comme la sociologie ou la psychologie ? (…)
Il nous a semblé que la philosophie de Nietzsche pouvait permettre de penser le sport de manière plus authentique que ne le permet la morale qui le gouverne de nos jours. Autrement dit, avec « le mythe nietzschéen », nous pourrions retrouver les « fondamentaux » du sport. » (…)
« Le sport moderne est né en contradiction avec sa nature profonde », Guillaume MARTIN.
« Même si Nietzsche n’a jamais écrit sur le sport, j’ai découvert que sa philosophie permettait paradoxalement de penser le sport de manière plus authentique que les idéologues du sport tels que le Baron De Coubertin ne l’ont fait. (…)
D’un côté l’union pacifique et universelle des hommes : « L’important c’est de participer ».
De l’autre l’affirmation guerrière de soi : « Que votre travail soit lutte. Que votre paix soit victoire ». (…)
L’idéal d’une « compétition pour tous » se révèle illusoire du fait de la nature même du sport qui repose sur l’affirmation du particulier. C’est pourtant l’idéal olympique, l’idéal qui a porté la renaissance moderne du sport.
La psychologie des champions sportifs en témoigne. Ils sont mus par une « rage de vaincre », très étrangère aux valeurs d’entraide, de coopération et de partage : quand on est sportif et compétiteur, l’objectif n’est pas de participer mais de gagner.
Le sport moderne est mal né, né en contradiction avec sa nature profonde. Construit à partir d’un socle tronqué, il n’est pas surprenant alors que le sport aujourd’hui soit encore miné par des contradictions inscrites en lui à sa naissance et qui mettent à mal sa pseudo modernité.
Citons la professionnalisation du sport, qui va contre le principe d’une égalité des chances ; le dopage, qui témoigne d’un désir de gagner à tout prix ; la financiarisation du sport, qui montre que le plaisir de participer n’est pas la seule motivation des athlètes ; la haine dans les stades, résurgence du nationalisme qui s’oppose à l’idéal du cosmopolitisme ; etc. (…)
Le sport est un jeu
Soi et la lutte
Quelle est donc notre interprétation du sport ? Quelles seraient les propriétés d’un « sport » nietzschéen ? Nous pensons qu’il faut insister sur la notion de lutte. Le sport est lutte, confrontation. Mais cette confrontation n’est pas tournée vers l’autre. Le sport tel que nous l’entendons se recentre au contraire sur soi. Nous nous rapprochons ici de la définition du sport proposée par Hébert : est sport « tout genre d’exercice ou d’activité physique ayant pour but la réalisation d’une performance et dont l’exécution repose essentiellement sur l’idée de lutte contre un élément défini : une distance, une durée, un obstacle, une difficulté matérielle, un danger, un animal, un adversaire et, par extension, soi-même ».
« Soi-même » est à envisager comme la toile de fond de toute pratique sportive. Toute confrontation, toute « lutte », renvoie selon nous immanquablement à soi. L’autre ne serait en somme, comme l’écrit Nietzsche, rien de plus qu’une « occasion », l’occasion d’un jeu, mais d’un jeu où les joueurs s’isolent, se concentrent sur eux-mêmes et sur leur désir d’expression, d’expansion. (…)
Rechercher une forme d’harmonie entre l’âme et le corps semble bel et bien nécessaire.
Pratiquer des activités physiques et des activités de l’esprit permet d’avancer vers cette harmonie à condition de ne pas privilégier excessivement les unes ou les autres.
Au-delà des finalités éducationnelles, pratiques ou civilisationnelles que l’on cherche trop souvent à leur assigner, les activités sportives, artisanales, artistiques, philosophiques, … devraient être considérées comme une fin en soi – la recherche de l’harmonie âme-corps – et pas comme l’outil ou le véhicule d’une fin extérieure. » (…)
Le paradoxe d’un « sport nietzschéen »
« Nous nous demandions si le sport moderne pouvait être une « application » de la philosophie nietzschéenne. A cette question ainsi formulée, nous ne pouvons évidemment répondre que par la négative : la philosophie nietzschéenne ne demande pas à être « appliquée ». Et même si c’était le cas, le sport moderne tel qu’il a été fondé par De Coubertin, c’est-à-dire porté par une idéologie altruiste héritée du christianisme, échouerait encore à se placer dans la lignée d’une philosophie centrée sur le « soi ».
Pour trouver une pertinence à notre entreprise (ainsi que pour échapper à l’écueil de l’artificialité), il ne fallait donc pas partir du sport tel qu’il est de nos jours pour le confronter à la philosophie de Nietzsche. Il fallait au contraire partir de cette philosophie, et se demander si elle ne peut conduire à concevoir le sport, non tel qu’il est, mais tel qu’il pourrait être, tel qu’il devrait être… Expliquons nous : il nous a semblé que la philosophie de Nietzsche pouvait permettre de penser le sport de manière plus authentique que ne le permet la morale qui le gouverne de nos jours. Autrement dit, avec « le mythe nietzschéen », nous pourrions retrouver les « fondamentaux » du sport – plaisir de la confrontation, désir d’affirmation de soi… – aujourd’hui travestis en une idéologie du fair-play. Nous aboutissons ainsi, paradoxalement, à la conceptualisation d’un « sport nietzschéen » (avec toutes les précautions qu’implique une telle assertion) plus respectueux des aspirations profondes du sportif que ne l’est le sport moderne. C’est ce que nous avons tâché de montrer en réinterprétant plu-sieurs grands thèmes nietzschéens – volonté de puissance, surhumain, éternel retour, dionysiaque et apollinien… – avec un regard sportif. (…)
Le « moment nietzschéen »
Pourquoi tracer ces liens [entre sport et philosophie nietzschéenne] ? Quel est l’intérêt de notre entreprise ? Sa pertinence tient selon nous au fait qu’elle permet de dégager certaines tendances profondes d’une époque – la fin du XIXème siècle – tendances qui dessinèrent en partie les contours de notre modernité. Si le sport est révélateur des symptômes de son époque, Nietzsche serait le médecin diagnostiquant ces symptômes. » (…)